Face à l'extraordinaie passion qui forme toute la chair et tout le sang de Layla, ma raison, on songera inévitablement à Tristan et Yseult ou à Roméo et Juliette. On aura raison: les amours fabuleux de Layla et du poète Qays sont nés dans l'Arabie du VIIe siècle et n'ont cessé, depuis, d'être chantés par la littérature ou la tradition orales arabes. Aragon les évoque encore dans le Fou d'Elsa et André Miquel en fit, il y a une douzaine d'années, un roman dont le film de Taïeb Louhichi est tiré. Poète reconnu et fils de seigneur respecté,le jeune Qays revient au sein de sa famille après un long voyage. Ses premières pensées sont pour Layla, qu'il aime depuis l'enfance. Elle l'aime aussi mais le prévient "Ne parle pas de moi dans tes poèmes, cela est défendu". Mais Qays ne peut s'empêcher de chanter les grâces et beautés de celle qu'il aime,ce que le père de Layla, ultra fidèle aux traditions ne peut tolérer. Il refuse la main de sa fille, condamnant les amants à la mort par désespoir. Lorsque Layla est mariée de force à un autre, Qays se lacère, se brûle, se perd dans le désert et monologue éperdument. Le livre éponyme d'André Miquel avait déjà la forme de poème mythologique à laquelle le film de Taïeb Louhichi tente de coller :
Layla, ma raison est, en ce sens, un compromis plutôt réussi entre de grandes ambitions et des moyens modestes L'âpreté des dispositifs imposés par l'histoire (une petite poignée) d'acteurs, le désert pour tout décor et des poèmes qui se superposent aux dialogues) s'équilibre ici d'une rapidité bienvenue: la passion de Layla et Qays file si vite vers son terme tragique que jamais l'ennui n'a le temps de nous surprendre. Un souffle aussi brûlant qu'un vent du Sahara et aussi glacé que les nuits diamantines dont le désert s'enveloppe. Taïeb Louhichi s'en sort donc très honorablement , justifiant tout à fait qu'un distributeur un peu plus audacieux que les autres (en l'espèce:
Orisha), s'intéresse enfin à un film quasiment oublié: si les amours de Qays et Layla perdurent dans l'imaginaire universel depuis plus de treize siècles, Layla, ma raison attendait lui depuis huit ans de rencontrer son public français.
Moyens Métrages
Gorée, L'Ile Du Grand-Père
Courts Métrages