C'est le film tunisien de Taïeb Louhichi, déjà présenté à Cannes dans la semaine de la critique, l'Ombre de la terre, qui nous a semblé le plus "caractéristique". Beau d'abord comme un livre d'étrennes, d'une somptuosité presque louche dans son écran large, et son générique bilingue, biculture, au point qu'on se dise : voilà un objet de luxe exotique à usage européen. Mais le soupçon se brise car justement le film raconte la mort d'un rêve. C'est évident que ce phalanstère familial qui vit encore dans le désert sous une tente, avec les hommes bergers et les femmes tisseuses, n'existe plus en Tunisie que comme curiosité touristique. Maladies du troupeau, départ du fils pour la ville, escroquerie du colporteur qui vole le travail des femmes en rabaissant la valeur des tapis, fichage obligatoire de la police, photos d'identité des femmes dévoilées de force, retour du fils qui rapporte de la ville toute la bimbeloterie occidentale et, par l'intermédiaire du poste de télévision, démantèle le clan par l'image, effet laser de l'histoire, du progrès, de l'érotisme. Puis la police enrôle le fils à l'armée. Quelques mois plus tard on vient dire à sa femme qu'elle peut aller chercher le cadavre à la ville. Elle part : l'ombre de la terre, c'est un peu Punishement park aux Mille et une Nuits. Quelque chose d'aussi beau et triste que l'éclosion du cactus, quand il se met à croître démesurément, à maigrir, et à sécréter une fleur rouge vif avant de rendre l'âme.
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Gorée, L'Ile Du Grand-Père
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